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Introduction

2. Son Fornés dans l’espace

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(carte de la Méditerranée) Les Baléares restèrent désertes jusqu’à il y a 4500 ans environ, quand débarquèrent à Majorque ses premiers habitants. Au cours de la préhistoire, les communautés baléares développèrent des formes d’organisation très originales sans perdre le contact avec les sociétes des alentours. Au fil du temps, à mesure que la mer devint un obstacle chaque fois plus facile à franchir les Baléares perdirent beaucoup de leur autonomie antérieure et occupèrent une place presque toujours secondaire au sein d’unités politiques et économiques plus grandes.


(carte de Majorque) Majorque est la quatrième plus grande île de la Méditerranée occidentale avec une superficie de 3.640 km2. Elle présente un relief très diversifié, qui inclut des chaînes de montagne avec des sommets de plus de 1000 mètres d’altitude, des vallées intérieures et des plaines côtières. Ce fait influe sur le régime de précipitations, qui varie entre 350 et 1400 mm par an, sur les températures et aussi sur la végétation. La population actuelle est d’environ 900.000 habitants, bien que la grande attractivité touristique de Majorque fait qu’au cours de l’éte ce chiffre soit multiplié quasiment par dix.
(carte de Montuïri) La commune de Montuïri est riche en gisements archéologiques. La majorité ont été découverts par hasard et, malheureusement, certains ont subi de graves dommages. Néanmoins, ils nous offrent d’excellentes perspectives pour la connaissance de notre passé et représentent un héritage collectif qu’il est utile de protéger pour les générations futures.

Légende/clés d’interprétation de la carte Commune de Montuïri Grotte funéraire – Village talayotique – Village post-talayotique – Village de l’époque romaine – Village de l’époque du haut Moyen Âge – Village de l’époque musulmane

3. Chronologie

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4. Histoire des recherches à Son Fornés

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Son Fornés est un site archéologique clé pour connaître la sociéte et l’histoire de Majorque des siècles passés. Les recherches y commencèrent en 1975 de la main de l’archéologue Vicenç Lull et au cours des années l’équipe de travail s’est agrandie. À l’heure actuelle, la recherche continue sous la coordination scientifique du groupe d’Archéoécologie Sociale Méditerranée lié à l’Université Autonome de Barcelone (ASOME-UAB). Le Musée Archéologique de Son Fornés centralise toute la recherche de champ et de laboratoire ainsi que la conservation et la restauration du gisement archéologique.

ÉPOQUE TALAYOTIQUE

5. La période talayotique. Une communauté au milieu de 2000 tonnes de pierres. 850-550 av. J.-C. (banderole verticale)

6. Cyclopes de pierres

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Les talayots sont les monuments les plus familiers et à la fois les plus mystérieux des Îles Baléares. Leur grand nombre, leur aspect imposant et l’incertitude autour de leurs origines ont éveillé depuis des siècles l’intérêt populaire et celui des premiers spécialistes du passé. De ces grands édifices on a dit beaucoup de choses : « talayes du temps des maures » (« talaye » = « talayot »), temples païens, tombes de chefs ou demeures habitées par des géants. Le développement de l’archéologie à partir du début du XXème siècle a permis de mieux les décrire, mais malgré cela les talayots continuaient à résister à nous dévoiler leurs secrets. Josep Sanz, instituteur de Montuïri au milieu du XXème siècle, imaginait bien peu que ces ruines, tout juste visibles, entre lesquelles il enseignait le passé de Majorque, nous éclaireraient sur de nombreux aspects de l’énigme des talayots. En grande partie grâce à son intérêt pour la culture et à sa persévérance, le projet de recherche de Son Fornés naquit en 1975 dans l’objectif de découvrir quelles furent les fonctions de ces édifices et de caractériser la sociéte qui les construisit. Son Fornés occupe une position centrale dans la géographie de l’île et aussi dans le panorama archéologique majorquin, car c’est à l’heure actuelle le site talayotique le mieux connu. Parmi ses découvertes il y a le talayot le plus grand et le mieux conservé de Majorque (le Talayot 1) et un large panel d’habitations et d’outils, qui nous rapprochent de la vie sociale des peuples préhistoriques de l’île. Malgré cela, aujourd’hui encore il reste des aspects à connaître. Les recherches continuent et sans aucun doute elles nous réservent de nouvelles et intéressantes trouvailles.

7. Computer multimedia

8. Les sociétés contemporaines des talayots

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La sociéte talayotique a été contemporaine de l’apparition ou de la consolidation de beaucoup de formations étatales du bassin méditerranéen et du développement des réseaux d’échanges de longue distance en grande partie favorisés par l’expansion commerciale phénicienne et grecque. Malgré cela, les Baléares restèrent en marge de ce grand panorama de changements et limitèrent leurs contacts au centre et au nord-ouest de l’Europe d’où elles obtenaient des métaux (étain et, peut-être, cuivre).


(carte des sociétés de la Méditerranée): Tartessos – Phénicie et ses colonies méditerranéennes – Société Nuragique finale – Dernières sociétes des champs d’urnes – Cités grecques et leurs colonies occidentales – Sociétés de Hallstatt – Société villanovienne/étrusque – Empire néo-assyrien au temps d’Assurbanipal (668-626 av. J.C.) – Égypte. Dynastie nubienne de Koush et domination néo-assyrienne.

9. Majorque talayotique.

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Au début du Ier millénaire avant notre ère, la population baléare s’est trouvée en crise. Depuis très longtemps, le rôle des hommes et des femmes dans la sociéte était basé sur les liens de parenté : qui étaient nos parents et avec qui se mariait-on, étaient des faits décisifs pour quelque personne que ce soit. Petit à petit cette organisation perdit de l’importance et fut remplacée par une autre dans laquelle le plus important était le lieu où l’on naissait et où l’on vivait. Ainsi, à l’époque talayotique l’ancien territoire insulaire, unique et sans barrières, fut divisé en unités politiques qui lièrent les personnes à des endroits déterminés. Les gens commencèrent à vivre dans des villages plus grands et il s’en fonda de nouveaux dans des zones quasiment dépeuplées jusqu’alors. Certains villages se distinguèrent du reste et devinrent des centres desquels dépendaient d’autres centres proches, plus petits. Au sein de ces nouvelles communautés s’établirent des liens de solidarité et de soutien mutuel qui se maintinrent durant quelques siècles. Un groupe de ces personnes commença l’histoire que nous vous présentons ensuite.

10. Son Fornés au temps des talayots

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Son Fornés est un village talayotique d’une superficie d’environ deux hectares. On y connaît trois talayots, deux d’entre eux ont déjà été totalement étudiés. Juste à côté des talayots fut édifié un ensemble de logements entourés par des murs droits et épais. La zone fouillée jusqu’à présent représente moins de 10% de la superficie de l’installation originelle. Le village hébergeait à peu près 300 ou 400 habitants, qui subsistaient grâce à l’élevage de bœufs, de moutons, de chèvres et de porcs. Les gens vivaient dans les maisons et se réunissaient dans les talayots pour y faire les travaux et actes communautaires. La vie sociale tournait autour du travail en commun et de la jouissance collective de ses fruits.


(photo aérienne du site) Vue aérienne du gisement archéologique de Son Fornés, dans laquelle on peut observer la zone fouillée jusqu’à présent. Les structures talayotiques apparaissent distinguées en orange.

11. La vie quotidienne au village

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Aux alentours de 850 avant notre ère, une communauté cherchait un lieu pour s’installer dans Es Pla de Mallorca, une région jusqu’alors inhabitée du centre de l’île. Ils choisirent une petite colline, où ils fondèrent ce qu’aujourd’hui nous connaissons sous le nom de Son Fornés. La communauté talayotique qui fonda Son Fornés y vécut durant environ 300 ans. Elle était organisée en unités domestiques assez autosuffisantes, formées par 5 à 10 personnes probablement liées par des liens de parenté. Toutes les unités disposaient des outils nécessaires afin de préparer et servir les repas, modeler les récipients en céramique et confectionner les vêtements. En plus, elles assumaient le soin des enfants. La solidarité était évidente : aucune unité domestique ne profitait exclusivement du travail des autres.

12. Photographies aériennes

13. Entrons dans la chambre talayotique 5

13. (reconstitution de l’intérieur d’une maison)

14. 40 m2, 7 personnes, 25 objets

Avec ce petit ensemble d’objets, une unité domestique talayotique d’entre 5 et 10 membres était capable de satisfaire une grande partie des nécessités basiques.


(vitrine) Grand récipient – Petite marmite de type A – Bol – Verre en forme de cône tronqué – Petite marmite de type B – Poinçon – Os de bœuf avec des entailles de couteau – Mortier

15. Fait maison

Aucun de ces objets n’a été fabriqué par des artisanes ou artisans spécialisés, mais plutôt chaque unité domestique les refaisait quand elle avait à nouveau besoin de les avoir. Ces outils ont été faits à partir de matériaux locaux à la portée de tous, comme la pierre, l’argile, les os, le bois et les fibres végétales. Les seules exceptions étaient les instruments en bronze car l’inexistence d’étain aux Baléares obligeait à l’importer d’autres régions du centre et de l’ouest de l’Europe.

(reconstitution des processus de travail) – Vannerie : piqué / tressé – Pierre : dégrossir et tailler / retoucher / mortier – moulin – percuteur – Os : couteau en bronze – métacarpien de mouton / tailler / finition et polissage du poinçon – Peau : coudre – Céramique : argile – calcite / triturer / pétrir / modelage / finition (lustré) / cuisson Mortier en pierre – Poinçon en os – Récipients en céramique

16. Menu du jour

Chaque unité domestique possédait une capacité de stockage très réduite. Cela suggère que la majorité des aliments était obtenue quotidiennement grâce à l’exploitation des troupeaux et à la cueillette de végétaux sauvages. Il n’y a pas de données sûres sur la pratique de l’agriculture au cours de cette période.


(diagramme de la consommation de viande): porcs 34% – bœufs 38,3% – moutons et chèvres 26%
(vitrine de récipients en céramique regroupés par fonctions): Récipients pour stocker des liquides – Récipients pour manger et boire – Récipients pour conserver, cuisiner et servir les aliments Moulin

17. La construction d’un talayot : un travail collectif

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(reconstitution des processus de travail pour la construction d’un talayot) – Les affleurements proches de roche calcaire fournirent le matériau pour la construction des talayots. – Certains des blocs pesaient plus de 9 tonnes. – Pour extraire et bouger les blocs la collaboration de beaucoup de personnes fut nécessaire. – Ils utilisaient des outils simples, comme des cordes, coins et leviers en bois. – Les équipes de travail s’empressaient de placer les blocs du grand mur circulaire qui délimitait le monument. – La construction d’un talayot exigeait de coordonner en même temps les travaux basiques de la communauté : prendre soin des enfants, surveiller les troupeaux ou préparer les repas. – Le toit se faisait avec de la boue et des branches et reposait sur des poutres en olivier sauvage. – 50 personnes, 2 mois de travail, 2000 tonnes de pierre.

18. Le talayot : un espace multi-usage

(rideau d’accès) Les talayots remplissaient plusieurs fonctions. De plus, tous n’étaient pas employés pour les mêmes choses, bien qu’ils aient un aspect similaire.

19. Contrôler et défendre le territoire

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Le village de Son Fornés contrôlait les ressources d’une importante superficie de territoire d’Es Pla. De Son Fornés dépendaient d’autres installations plus petites situées dans des endroits stratégiques. L’ensemble formait une unité politique. Depuis le toit terrasse des talayots, on jouissait d’une vue largement dégagée qui permettait de contrôler les mouvements des personnes et des troupeaux. De plus, la solidité des talayots était très utile pour la défense en cas de conflit avec d’autres unités politiques. Ces conflits pouvaient éclater à la suite de rivalités pour l’accès aux pâturages et à l’eau.

Symbole d’une collectivité Toutes les fonctions des talayots auraient pu être réalisées dans des édifices beaucoup plus simples. Malgré cela, il semble qu’un des objectifs en construisant ces grandes tours était de donner une sensation de monumentalité. Ainsi, le talayot symbolisait aussi la cohésion et l’effort du groupe qui l’avait édifié et utilisé au bénéfice de tous.

20. Dans le Talayot 1

Le Talayot 1 fut utilisé comme abattoir et lieu de dépeçage des animaux, principalement porcs et bœufs. Les morceaux de viande étaient distribués sur les lieux mêmes et consommés plus tard dans les maisons. Il fut aussi le cadre de fêtes communautaires au cours desquelles on mangeait de la viande, surtout du porc. Ces célébrations publiques renforçaient les liens de solidarité entre les personnes. (boîtes contenant des os du talayot

21. Dans le Talayot 2

À l’intérieur du Talayot 2 étaient célébrées des réunions au cours desquelles on prenait des décisions sur des questions qui touchaient à la vie de la communauté. Peut-être que l’on y faisait aussi des cérémonies de divers types, comme des rituels d’initiation ou des commémorations d’événements remarquables. Au cours de ces réunions étaient consommées des boissons dans des récipients spéciaux. Peu de personnes y assistaient, ce qui suggère qu’il s’agissait d’actes politiques ou religieux d’accès restreint. (vitrines contenant des récipients utilisés lors des rituels)

22.

Après quelques centaines d’années de fonctionnement, la société talayotique subit une crise. Les mécanismes de solidarité et de soutien mutuel se rompirent et certains groupes sociaux commencèrent à contrôler les relations de travail et l’accès aux ressources du territoire. Commença alors une époque de conflit social qui affecta les Baléares et durant laquelle la cohabitation à Son Fornés ne fut plus possible. En conséquence, le village fut détruit et abandonné.

ÉPOQUE POST-TALAYOTIQUE

23. Après les talayots. Le début des inégalités. Époque post-talayotique. Époque Classique (influences puniques et romaines). Époque du haut Moyen Âge (banderole verticale)

24. A Time of conflicts

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Les luttes pour le contrôle de la Méditerranée
Au cours des Vème, IVème et IIIème siècles avant notre ère, la Méditerranée vécut une époque de grandes convulsions dues aux politiques expansionnistes de certains grands états, comme Carthage, Rome et la Macédoine. En témoigne le grand nombre de conflits guerriers qui teignirent de sang la scène méditerranéenne de cette époque et qui finalement engendrèrent la consolidation de Rome comme puissance hégémonique. Bien que Majorque et Minorque se maintinrent en marge des principaux théâtres d’opérations, beaucoup de leurs habitants participèrent directement à de nombreuses campagnes militaires enrolés comme mercenaires dans les armées carthaginoises. (carte des conflits armés).

Majorque post-talayotique. Le contrôle du territoire
Durant la période post-talayotique, la majorité des villages antérieurs furent réoccupés ou remodelés. Les talayots avaient perdu leurs usages d’origine et beaucoup d’entre eux se trouvaient même totalement en ruine. L’organisation des maisons changea, sans que l’on puisse observer aucun modèle régulier. Le territoire insulaire était divisé en unités politiques contrôlées par les groupes sociaux dominants. La présence d’armes et de villages fortifiés, certains d’entre eux y compris avec des tours ou des bastions, suggère que les puissants protégeaient leurs privilèges par la force et qu’en plus il y avait une rivalité entre eux, quelquefois, pour le contrôle du territoire. Cela ne nie pas l’existence de politiques d’alliances qui signifièrent la stabilisation d’unités politiques, le fonctionnement de réseaux d’échanges de produits et des accords généraux sur la participation militaire en campagnes loin des îles. Les dits « sanctuaires » s’utilisèrent beaucoup, peut-être avec une fonction cérémoniale similaire à celle des fameuses tables minorquines. On connaît assez bien les rituels funéraires post-talayotiques qui avaient lieu principalement dans des grottes naturelles ou d’autres cavités creusées artificiellement.

25. Vivre dans et hors de la muraille

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À la moitié du VIème siècle avant notre ère, le quartier talayotique de Son Fornés fut abandonné et les habitations furent déplacées sur la partie haute du village. Une muraille cyclope à tendance circulaire, de près de trois mètres de haut, à partir de laquelle nous avons pu observer et étudier la présence d’une tour et un système de contreforts qui aurait potentiellement accueilli une maison de garde, fut édifiée. La construction de structures défensives comme celle-là se fit dans divers villages de l’île, coïncidant avec une période de crise à Majorque et à Minorque qui engendra les débuts d’une nouvelle société que l’on appelle aujourd´hui post-talayotique. L’habitat ne se concentra pas seulement à l’intérieur de la nouvelle muraille. Sur les ruines de l’ancien village talayotique furent aussi bâtis de nouveaux édifices. Certains profitant des vieux murs qui dépassaient de-ci de-là, et d’autres construisant de neuf. Cette communauté post-talayotique se maintint entre la fin du Vème siècle et le IIIème siècle avant notre ère, quand une combinaison de pressions externes et internes stimulèrent de nouveaux changements sociaux ; la muraille n’était plus nécessaire et fut supprimée justement à ce moment-là, 150 ans seulement après sa construction. Seules de nouvelles fouilles permettront d’obtenir plus de données sur la nature du village intra-muros et de connaître la relation entre celui-ci et les maisons et sanctuaires situés à l’extérieur de la muraille.


(photo aérienne) Photographie du site archéologique de Son Fornés sur laquelle on peut observer la zone fouillée jusqu’à présent. Les structures post-talayotiques apparaissent distinguées en orange.

26 + 27 Entrons dans la Maison Post-talayotique 1.

26 + 27

(reconstitution de l’intérieur d’une maison)

Une unité domestique post-talayotique utilisait quotidiennement beaucoup plus d’objets qu’une de l’époque talayotique, bien que les deux aient été formées par un nombre similaire de personnes. La remarquable capacité de stockage de chaque habitation était due à la croissance de la production d’aliments qui se basait sur l’agriculture et l’élevage.
(Poinçon en fer. Un d’eux conserve son manche en os.)

28. Les ustensiles domestiques

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La majorité des objets étaient fabriqués avec des matériaux locaux (argile, pierre, os, bois). Néanmoins, ils dépendaient toujours de l’extérieur en ce qui concerne les objets en bronze et peut-être en fer. D’un autre côté, l’utilisation et la consommation de biens exotiques comme les ornements personnels en verre et le vin d’Ibiza augmenta progressivement. Il est possible qu’une partie des produits obtenus par les unités domestiques que nous connaissons à Son Fornés ait servi à entretenir les membres du groupe dirigeant de la société post-talayotique. Peut-être que quelques puissants vivaient dans d’autres quartiers, de Son Fornés même, cela reste à étudier, alors que d’autres résidaient dans des villages fortifiés beaucoup plus grands.

(vitrine contenant des pièces de céramique, pierre, métal et os) Récipients pour stocker, cuisiner, manger et boire – Couteaux en silex – Marteau en pierre – Poids de métier à tisser – Mortier et percuteurs en quartz, employés pour dégrossir et tailler la pierre, casser des os d’animaux et écraser des végétaux.

29. Les débuts des inégalités

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Cueillettes et bétail La production d’aliments était basée sur la culture de céréales et un élevage diversifié. L’implantation de l’agriculture eut des répercussions sur d’autres secteurs de production et sur l’organisation du travail des communautés.
Au bénéfice de quelques uns La société post-talayotique substitua la solidarité économique de la période talayotique par une organisation basée sur la propriété privée familiale. Dans ce nouveau système, un secteur social s’appropriait une partie des biens produits par le reste de la population dépossédée. Ce privilège économique permettait au groupe dominant de jouir d’une meilleure qualité de vie et d’acquérir des armes, des ornements coûteux et des objets de culte fabriqués en verre ou en métal. (vitrine avec conteneur à grain)

30. Les frondeurs, mercenaires au service de Carthage

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De nombreux contingents de troupes baléares, les fameux frondeurs, luttèrent comme mercenaires aux côtés de Carthage dans diverses guerres menées en Sicile et dans la péninsule italienne. Les frondeurs furent remarqués dans l’Antiquité pour leur efficacité au combat acquise grâce à une longue instruction reçue sur leurs lieux d’origine. Il semble que ces soldats demandaient surtout du vin et des femmes comme forme de paiement pour leurs services et qu’ils n’acceptaient aucune sorte de rétribution financière.

(vitrine) 1 Anneaux en bronze et billes de pâte de verre – 2 Balles de fronde – 3 Assiette sacrificielle de tradition punique

31. Taureaux et guerriers

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Le secteur dominant exaltait les principes d’agressivité et de force physique incarnés par des figurines en bronze qui représentaient des bœufs et des hommes nus armés, évocants peut-être des dieux ou des héros. À Majorque, les cérémonies publiques étaient célébrées dans des édifices spéciaux, les sanctuaires, et étaient peut-être menées par une caste sacerdotale. La mise en avant des hommes dans la guerre et l’idéologie publique reflétait une société sûrement patriarcale. D’un autre côté, les rituels funéraires reprirent des éléments antérieurs à la période talayotique comme par exemple l’utilisation de cavités naturelles ou artificielles comme panthéons collectifs. Cela suggère un renouveau des groupes de parenté, bien que, cette fois ci, ils soient caractérisés par des différences de richesse.

(panneau)
Guerrier de Son Gelabert de Dalt (Sineu) – Bœuf de Son Cresta (Llucmajor) – Sanctuaire 1 de Son Fornés (Montuïri) – Sanctuaire 2 de Son Fornés (Montuïri)

ÉPOQUE CLASSIQUE

32. La Méditerranée devint Mare Nostrum

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Après avoir vaincu Carthage lors de la seconde guerre punique (218-201 avant notre ère), Rome avait tout en sa faveur pour redevenir l’unique grande puissance méditerranénne. Sa politique de conquêtes militaires vers l’orient et l’occident continua sans interruption, soumettant par la force d’autres sociétés et y imposant sa propre organisation politique et économique. Les conquêtes romaines firent de la Méditerranée la « Mare Nostrum ». Les guerres continues et les annexions territoriales eurent des effets très importants pour la société romaine. Les petits paysans-propriétaires s’appauvrirent et le pouvoir se concentra entre les mains d’une classe sociale réduite composée de grands propriétaires terriens et de commerçants. Ce groupe possédait d’énormes domaines, dédiés à la production de masse pour le marché, dans lesquels pouvaient travailler des centaines d’esclaves. L’occupation militaire des Baléares se produisit en 123 avant notre ère quand une armée commandée par le commandant Quintus Caecilius Metellus débarqua sur les îles sous le prétexte d’en terminer avec la piraterie qui affectait cette partie de la Méditerranée. Rome fonda deux cités à Majorque, Palma et Pollentia, qui constituèrent les principaux piliers pour contrôler le territoire.

(carte de la conquête romaine) Jusqu’à -218 / Jusqu’à -100 / Jusqu’à 14 / Jusqu’à 117

33. Majorque romaine

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L’impact de la conquête romaine fut important même s’il se fit sentir petit à petit et dans une société qui avait déjà commencé une nouvelle étape de changements depuis la fin du IIIème siècle. Les communautés indigènes étaient en train de laisser derrière elles l’organisation socioéconomique post-talayotique et, à la place, commençaient à adopter un modèle très répandu dans d’autres régions comme l’Afrique du Nord, l’Italie ou la Sicile. Une classe sociale réduite possédait de grandes exploitations rurales qui produisaient des biens destinés au troc et dans lesquelles travaillaient des femmes et des hommes dans des conditions très difficiles.
À la fin du Ier siècle de notre ère, une fois l’Empire romain pleinement consolidé, les Îles Baléares perdirent leur importance économique car les céréales cultivées dans la péninsule ibérique et surtout en Afrique du Nord étaient beaucoup plus abondantes et moins chères. Les intérêts économiques de la classe propriétaire baléare changèrent d’orientation et de nombreux foyers de population comme Son Fornés furent abandonnés.

34. Son Fornés à l’époque classique : les influences puniques et romaines (vers 250 av. J.-C. – 100 ap. J.-C.)

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À la fin du IIIème siècle avant notre ère, le village post-talayotique de Son Fornés fut détruit et à sa place furent construits de nouveaux édifices. Les découvertes faites jusqu’à présent correspondent à la périphérie du village. À la différence des périodes antérieures, à partir de ce moment-là, chaque enceinte n’équivalait plus à une « maison ». Les fouilles ont révélé une série de dépendances dédiées à diverses activités comme la production de manufactures textiles ou céramiques et la préparation et le stockage de nourriture. À cette époque Son Fornés faisait probablement partie d’un domaine appartenant à un propriétaire terrien esclavagiste.

(photo aérienne du site archéologique de Son Fornés sur laquelle on peut observer la zone fouillée jusqu’à présent. Les structures de l’époque classique apparaissent soulignées en jaune)

35. Céramique importée

Le nombre de céramiques de qualité produites en Italie, dans la péninsule ibérique et à Ibiza continuait à croître mais la domination romaine ne réussit pas à éliminer l’antique tradition du modelage de récipients sans l’aide du tour. Cette continuité nous montre la survie des techniques traditionnelles. Céramique locale Certaines pièces faites localement imitaient des récipients romains faits au tour.


(vitrine) Céramique locale faite à la main. Certaines de ces pièces imitaient des formes importées faites au tour. Céramique importée. Petite cruche ibérique de la côte catalane. Céramique importée. Céramique vernissée de noir. Céramique importée. Vaisselle de table de tradition punico-ibizienne Céramique importée. Petits verres romains aux parois fines Céramique importée. Coupe romaine en céramique sigillée.

36. Un long voyage

Les amphores étaient des contenants en céramique produits en série qui contenaient habituellement de la nourriture (vin, huile, blé et poisson en conserve) destinée au troc. Le moyen de transport le plus utilisé était le bateau puisqu’il permettait de transporter d’importants chargements sur de longues distances et relativement rapidement. La majeure partie des amphores trouvées à Son Fornés avaient contenu du vin. Il est intéressant d’ajouter qu’avec ces amphores arrivaient souvent les verres importés utilisés pour consommer cette boisson. À partir du début du IIème siècle arrivèrent à Son Fornés des quantités de plus en plus importantes d’amphores comme conséquence de l’intégration des Baléares dans la structure économique romaine.
(carte de la provenance des amphores trouvées à Son Fornés) 1 Tunisie / 2 Maroc / 3 Bétique / 4 Ibiza / 5 Tarraconaise / 6 Toscane / 7 Latium / 8 Campanie / 9 Adriatique

37. … et arriva l’argent

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Une des conséquences de la domination romaine fut l’introduction de la monnaie comme moyen pour régir les transactions ou pour rendre effectifs les impôts. De cette manière, les formes d’échanges traditionnels basés sur le troc entrèrent en crise. (pièces de monnaie) As républicain (IIème siècle av. J.-C.) – As de l’empereur Claude (41-50 ap. J.-C.) – Dupondius de l’empereur Trajan (103-111 ap. J.-C.)
Nouvelles technologies À cette époque, se généralisèrent des outils en fer spécialisés pour des fonctions concrètes comme tailler ou moissonner. Ces outils permirent d’augmenter la productivité des travaux des champs. Les matériaux et, peut-être, les propres instruments devaient être acquis par des échanges. (vitrine) 1 Faux / 2 Moule / 3 Couteaux / 4 Clous / 5 Ciseau / 6 Pointe de lance / 7 Fuseau pour filer en terre cuite et en plomb / 8 Mors de cheval en corne
Le moulin à rotation Ce type de moulin fut probablement inventé en Sicile au IVème siècle avant notre ère et représentait une grande avancée dans l’outillage de son époque. Son introduction sur l’île engendra une forte croissance de la productivité car on pouvait moudre en seulement cinq minutes la même quantité de grain qu’en une heure avec les anciens moulins plats post-talayotiques. (reconstitution du fonctionnement du moulin à rotation et exposition de la partie supérieure d’origine) Pierre supérieure mobile – Axe – Pont – Manivelle – Pierre inférieure fixe
Les os parlent Les nouvelles relations de productions instaurées même avant la conquête romaine engendrèrent des conditions de vie très dures pour la majorité de la population qui était exploitée par la classe propriétaire. Ainsi en témoignent les restes de deux femmes et de l’enfant de l’une des deux enterrés humblement aux abords de Son Fornés au cours du IIème siècle avant notre ère. Une des dames, morte avant 50 ans, souffrit de malnutrition, traumatismes et déformations osseuses résultants de la réalisation de lourds travaux. La seconde mourut à seulement 22/23 ans, peut-être au cours d’un accouchement. Son enfant aussi mourut et fut enterré à côté de sa mère.


(photos fouille des tombes et vitrine contenant des os humains de la tombe 2)

ÉPOQUE DU HAUT MOYEN ÂGE

38. Son Fornés, témoin d’Orient

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Après presque trois siècles d’abandon, Son Fornés fut réhabité au début du Vème siècle par une petite communauté paysanne. Ces personnes ne vécurent pas isolées, au contraire leur prospérité leur permit de participer à de grands circuits de relations et d’échanges avec des terres lointaines. Les sociétés méditerranéennes commençaient à entrer dans une époque de grands bouleversements. L’Empire Romain d’Occident était sur le point de se désintégrer à cause des conflits internes et des pressions externes. Aux alentours de l’an 450 les vandales envahirent les « Insulae Balearis » et les incorporèrent immédiatement à leur royaume, avec pour capitale Carthage (dans l’actuelle Tunisie). Quelques temps plus tard, en 533, l’armée byzantine conquit le royaume vandale et les Baléares commencèrent à être gouvernées depuis Constantinople (aujourd’hui Istanbul) par l’empereur Justinien.

(cartes) Lieux de provenance des produits importés trouvés à Son Fornés Carte politique de la Méditerranée au VIème siècle sur laquelle on peut voir les conquêtes territoriales de l’Empire Byzantin

39. Marie conçut le Christ

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En plus d’un usage commercial, cette amphore transporta des idées. À cette époque le Christianisme était une doctrine agitée par de nombreuses polémiques théologiques qui cachaient des conflits économiques et politiques plus profonds. Le message en grec affirme la nature humaine de Jésus-Christ puisqu’il fut engendré par une femme, Marie. Peut-être que la personne qui écrivit ce message était adepte du nestorianisme, doctrine surgie au Vème siècle dans l’Empire Romain d’Orient et qui fut qualifiée d’hérésie et condamnée lors du Concile d’Éphèse (en 431). Selon ses principes, s’unissaient en Jésus-Christ deux personnes différentes l’une divine et l’autre humaine. En ce sens, Marie fut seulement la mère d’un homme et non de Dieu. Dans les temps où l’amphore circula avec le message, le nestorianisme et ses dérivés faisaient l’objet de persécutions car ils contrariaient l’orthodoxie chrétienne – deux natures et une unique Personne en Jésus-Christ – soutenue par le pouvoir de l’empereur.


vitrine contenant une amphore et photo du détail d’une mosaïque du palais de l’empereur Justinien (Constantinople, aujourd’hui Istanbul) où apparaît une amphore comme celle trouvée à Son Fornés]

40. La fin de notre histoire

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Aux alentours de l’an 624 l’Empire Byzantin perdit ses territoires de la péninsule ibérique et en 689 ceux d’Afrique du Nord ce qui fait que s’interrompirent temporairement les connexions économiques entre la Méditerranée orientale et l’occidentale. On ne peut pas écarter, néanmoins, que les Baléares aient continué à appartenir à l’Empire Byzantin même s’il est aussi possible que pendant les deux siècles suivants elles restèrent indépendantes et développèrent une organisation sociale qui nous est encore inconnue. Finalement, quand l’émirat de Cordoue annexa les Baléares en 903 Son Fornés était quasiment dépeuplé.

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